Vendredi, 22/09/2023 - 01:44

Tag: L’homme qui rit

I. Ursus

Ursus et Homo étaient liés d’une amitié étroite. Ursus était un homme, Homo était un loup, Leurs humeurs s’étaient convenues. C’était l’homme qui avait baptisé le loup. Probablement il s’était aussi choisi lui-même son nom; ayant trouvé Ursus bon pour lui, il avait...

I. La pointe sud de portland

Une bise opiniâtre du nord souffla sans discontinuer sur le continent européen, et plus rudement encore sur l’Angleterre, pendant tout le mois de décembre 1689 et tout le mois de janvier 1690. De là le froid calamiteux qui a fait noter cet hiver comme «mémorable aux pauvres» sur les marges...

II. Les comprachicos

I Qui connait à cette heure le mot comprachicos? et qui en sait le sens? Les comprachicos, ou comprapequeños, étaient une hideuse et étrange affiliation nomade, fameuse au dix-septième siècle, oubliée au dix-huitième, ignorée aujourd’hui. Les comprachicos sont, comme «la poudre de...

III. Solitude

L’enfant demeura immobile sur le rocher, l’œil fixe. Il n’appela point. Il ne réclama point. C’était inattendu pourtant; il ne dit pas une parole. Il y avait dans le navire le même silence. Pas un cri de l’enfant vers ces hommes, pas un adieu de ces hommes à l’enfant. Il y avait...

IV. Questions

Qu’était-ce que cette espèce de bande en fuite laissant derrière elle cet enfant? Ces évadés étaient-ils des comprachicos? On a vu plus haut le détail des mesures prises par Guillaume III, et votées en parlement, contre les malfaiteurs, hommes et femmes, dits comprachicos, dits...

II. Isolement

En observant de près, voici ce qu’on eût pu noter. Tous portaient de longues capes, percées et rapiécées, mais drapées, et au besoin les cachant jusqu’aux yeux, bonnes contre la bise et la curiosité. Sous ces capes, ils se mouvaient agilement. La plupart étaient coiffés d’un mouchoir...

VI. Bataille entre la mort et la nuit

L’enfant était devant cette chose, muet, étonné, les yeux fixes. Pour un homme c’eût été un gibet, pour l’enfant c’était une apparition. Où l’homme eût vu le cadavre, l’enfant voyait le fantôme. Et puis il ne comprenait point. Les attractions d’abîme sont de toute sorte; il...

VII. La pointe nord de portland

Il courut jusqu’à essoufflement, au hasard, éperdu, dans la neige, dans la plaine, dans l’espace. Cette fuite le réchauffa. Il en avait besoin. Sans cette course et sans cette épouvante, il était mort. Quand l’haleine lui manqua, il s’arrêta. Mais il n’osa point regarder en...

I. Les lois qui sont hors de l’homme

La tempête de neige est une des choses inconnues de la mer. C’est le plus obscur des météores; obscur dans tous les sens du mot. C’est un mélange de brouillard et de tourmente, et de nos jours on ne se rend pas bien compte encore de ce phénomène. De là beaucoup de désastres. On veut...

II. Les silhouettes du commencement fixées

Tant que l’ourque fut dans le golfe de Portland, il y eut peu de mer; la lame était presque étale. Quel que fût le brun de l’océan, il faisait encore clair dans le ciel. La brise mordait peu sur le bâtiment. L’ourque longeait le plus possible la falaise qui lui était un bon paravent. On...

III. Les hommes inquiets sur la mer inquiète

Deux hommes sur le navire étaient absorbés, ce vieillard et le patron de l’ourque, qu’il ne faut pas confondre avec le chef de la bande; le patron était absorbé par la mer, le vieillard par le ciel. L’un ne quittait pas des yeux la vague, l’autre attachait sa surveillance aux nuages. La...

V. L’arbre d’invention humaine

Il pouvait être environ sept heures du soir. Le vent maintenant diminuait, signe de recrudescence prochaine. L’enfant se trouvait sur l’extrême plateau sud de la pointe de Portland. Portland est une presqu’île. Mais l’enfant ignorait ce que c’est qu’une presqu’île et ne savait pas...

IV. Entrée en scène d’un nuage différent des autres

Le vieux homme que le chef de la troupe avait qualifié d’abord le Fou, puis le Sage, ne quittait plus l’avant. Depuis le passage du banc Chambours, son attention se partageait entre le ciel et l’océan. Il baissait les yeux, puis les relevait; ce qu’il scrutait surtout, c’était le...

VI. Ils se croient aidés

A travers sa préoccupation croissante, le docteur passa une sorte de revue de la situation, et quelqu’un qui eût été près de lui eût pu entendre ceci sortir de ses lèvres: – Trop de roulis et pas assez de tangage. Et le docteur, rappelé par le travail obscur de son esprit,...

V. Hardquanonne

Toutes sortes d’intumescences déformaient la bruine et se gonflaient à la fois sur tous les points de l’horizon, comme si des bouches qu’on ne voyait pas étaient occupées à enfler les outres de la tempête. Le modelé des nuages devenait inquiétant. La nuée bleue tenait tout le fond du...

VIII. Nix et nox

Ce qui caractérise la tempête de neige, c’est qu’elle est noire. L’aspect habituel de la nature dans l’orage, terre ou mer obscure, ciel blême, est renversé; le ciel est noir, l’océan est blanc. En bas écume, en haut ténèbres. Un horizon muré de fumée, un zénith plafonné de...

XI. Les casquets

C’était en effet les Light-House des Casquets. Un phare au dix-neuvième siècle est un haut cylindre conoïde de maçonnerie surmonté d’une machine à éclairage toute scientifique. Le phare des Casquets en particulier est aujourd’hui une triple tour blanche portant trois châteaux de...

XII. Corps a corps avec l’écueil

Cette mystérieuse dérision ajoutée au naufrage, les misérables en détresse sur la Matutina la comprirent tout de suite. L’apparition du phare les releva d’abord, puis les accabla. Rien à faire, rien à tenter. Ce qui a été dit des rois peut se dire des flots. On est leur peuple; on...

XIII. Face a face avec la nuit

L’ourque se retrouva à vau-l’ombre dans l’obscurité incommensurable. La Matutina, échappée aux Casquets, dévalait de houle en houle. Répit, mais dans le chaos. Poussée en travers par le vent, maniée par les mille tractions de la vague, elle répercutait toutes les oscillations folles...

XIV. Ortach

L’écueil recommençait. Après les Casquets, Ortach. La tempête n’est point une artiste, elle est brutale et toute-puissante, et ne varie pas ses moyens. L’obscurité n’est pas épuisable. Elle n’est jamais à bout de pièges et de perfidies. L’homme, lui, est vite à l’extrémité...

XVI. Douceur subite de l’énigme

L’ouragan venait de s’arrêter court. Il n’y eut plus dans l’air ni suroit, ni noroit. Les clairons forcenés de l’espace se turent. La trombe sortit du ciel, sans diminution préalable, sans transition, et comme si elle-même avait glissé à pic dans un gouffre. On ne sut plus où elle...

XVII. La ressource dernière

Il y avait une crevasse dans la quille. Une voie d’eau s’était faite. A quel moment? Personne n’eût pu le dire. Était-ce en accostant les Casquets? Était-ce devant Ortach? Était-ce dans le clapotement des bas-fonds de l’ouest d’Aurigny? Le plus probable, c’est qu’ils avaient...

VII. Horreur sacrée

De leur côté, mais avec épanouissement et allégresse, ceux que l’ourque emportait regardaient derrière eux reculer et décroître la terre hostile. Peu à peu la rondeur obscure de l’océan montait amincissant dans le crépuscule Portland, Purbeck, Tineham, Kimmeridge, les deux Matravers,...

I. Le chess-hill

La tempête n’était pas moins intense sur terre que sur mer. Le même déchaînement farouche s’était fait autour de l’enfant abandonné. Le faible et l’innocent deviennent ce qu’ils peuvent dans la dépense de colère inconsciente que font les forces aveugles; l’ombre ne discerne...